Marcel-Paul Duclos




Philippeville - Souvenirs d'enfance


 

Ortéga - peinture - Bords du Saf-Saf - Hôtel de Ville, Philippeville
- ORTEGA - Bords du Saf-Saf -
Peinture, Hôtel de Ville - Philippeville

 

1942 - Les bombardements ennemis font rage à Philippeville, port de ravitaillement.
Ce soir du Dimanche 20 Décembre, ma mère est allée dormir chez ma grand-mère.
Les hommes sont mobilisés.
Une bombe tombe sur la maison désertée !

 

Le lendemain matin, aidés par les amis du quartier, des soldats britanniques déblaient les décombres à la recherche d'un corps... L'émotion est à son comble lorsqu'ils voient la locataire déboucher au coin de la rue.  Un éclat de la bombe, quelques objets précieux et futiles, que lui tend le militaire anglais et ses immenses yeux restés figés se libèrent.
 

Mes parents sont relogés dans une modeste villa du quartier du Beni-Melek ; la Maison Spitéri. Jean-François, José-Henri, mes deux frères, et moi même y sommes nés.

La maison natale au Beni-Melek
La Maison Natale

C'est depuis la grande terrasse de la maison familiale que j'apprends à nommer les bateaux qui entrent au port, aidés du Pilote arrivé sur une vedette : Ville d'Alger, Président De Cazalet éclatant de blanc et s'illuminant le soir venu pour nourrir nos fantasme de gosses, Kairouan tout aussi immaculé, El-Djezaïr, Sidi-Okba ... qui nous emmènera bien des années plus tard ...

Le port de Philippeville

Au rez-de-chaussée, la Famille Criscuolo et  mes premiers amis, leurs enfants Annie et André. De cette cabane dans le caroubier du jardin d'André, il ne reste sans doute plus rien. D'autres enfants sûrement, trouvant le site propice, et mangeant ces mêmes caroubes y ont vécu les mêmes rêves que nous.

Plus bas, en empruntant un des deux grands escaliers de desserte, nous arrivons à la Maison Giannésini chez mon oncle Vincent, chef d'orchestre de renom, compositeur et arrangeur qui a parcouru une bonne partie de l'Europe avec son violon et sa mandoline. J'entends encore son violon...,  là, à gauche en entrant..., dans la cuisine..., ultime répétition avant le concert... , et ma tante Georgette inlassable couturière ; l'odeur des Craven, mêlée à celle des tissus rendent un parfum chaleureux, unique, je ne sais pas encore que je ne le retrouverai jamais. 

 

Sur la terrasse qui domine le port
Sur la terrasse qui domine le port

A l'âge requis, nous prenons le chemin de l'école de garçons du quartier qui a la particularité d'avoir deux cours de récréation en espalier. De Madame Albertini, ma première institutrice, je ne me souviens que des courses dès que nous l'apercevions au bout de la rue, pour avoir le privilège de porter son cartable.

L'école jouxte un grand ravin, où se règlent au football les rivalités inter-quartier, et "la maison à la Pagnol" de mon oncle Joseph, homme hors du commun qui enchanta mon enfance, lui aussi musicien de talent, et de ma grand-mère Carmelle qui ne parle que le Sicilien et nous conte à l'heure de la sieste, persiennes closes, ombragées par la longue tonnelle de vigne sauvage qui court sur toute la longueur de la façade, des histoires dans lesquelles un saint vient invariablement à la rescousse du plus faible.

Véritable institution, la sieste a même son alinéa dans les arrêtés municipaux où il y est précisé de ne faire aucun bruit sous peine de sanctions. Ici, chez ma grand-mère, il semble que même les poules et les oiseaux en ont entendu parler !

Du pain frotté avec de l'ail, de l'huile d'olive, quelques rondelles de tomates, du sel, du basilic, notre goûter est consciencieusement dégusté avant de passer à des occupations de notre âge.


En contrebas de la rue, dissimulée par des grenadiers et des eucalyptus, cette maison à la campagne où nous allons régulièrement avec ma mère n'offre aucun confort. Toutes sortes d'instruments de musique que nous martyrisons, se trouvent dans le séjour où une cheminée est allumée l'hiver pour notre plaisir.  Ma grand-mère préfère le kanoun, petit brasero, qu'elle peut déplacer à son gré, et chose impressionnante, elle réarrange les morceaux de charbon  à mains nues, en prenant bien son temps, sans jamais se brûler.


C'est elle qui nous "passe les coups de soleil", lorsqu'une trop longue exposition fait monter la température du corps à 40°. Un linge blanc mouillé, du sel, ses mains, des prières bien sûr, et le problème est réduit dans l'heure. Jamais une ombre d'inquiétude, le résultat est acquis d'avance !

Point de douche ici. C'est au jet d'eau que cela se fait pour nous les enfants, et commencent alors pour les parents les innombrables
"les enfants, arrêtez avec l'eau !".

Le dîner improvisé se prend dehors, lorsque le soleil s'en est allé. Des discussions à n'en plus finir, des petites disputes lorsque les arguments sont en défaut, de la tristesse en évoquant l'absence d'un proche, et des rigolades interminables.

 Les cigales se sont tuent. Les tarentes (lézards) ont pris possession de la façade...

Maman nous emmènera à la plage demain après-midi, après la sieste. Le soleil tape moins fort à cette heure là. Nous irons à  Rusicade juste après le Château Vert.

Après avoir longé la Marinelle, où l'odeur âpre des anchois et des sardines nous sert traditionnellement de prétexte à un concours d'apnée, c'est  la boutique du marchand de gargoulettes de toutes formes et tailles.  Un dernier tournant et  un paysage éblouissant, la baie de Stora, une des plus belles d'Algérie, dessinée là, à n'en pas douter par Astarté elle-même !
A cette heure de l'après-midi, le sable est moins chaud et la caresse de l'eau maternelle. Nous la lui rendons bien. Sur le chemin du retour  maman  nous achète un beignet au sucre dans une des baraques qui longent la mer.

Nous attendons papa près de la Grande Poste et reprenons notre route jusqu'à la maison. La dernière côte est rude et nos pelles de plage soudain bien lourdes.
Après le repas, un dernier regard sur le port  - la mer e
st toujours là ! -

... La voix de papa... "au schloff !" (au lit !).

... /...
Il n'y aura pas de suite puisque
Marcel Paul DUCLOS nous a quitté en mars 2004.

Stora - La plage Bikini
La plage Bikini - Stora

 

Eté 1962 - Piscine Jeanne-d'Arc
- Été 1962 - Piscine Jeanne d'Arc -
"Adieu les Amis..."

 


Toute ressemblance avec des personnes ou des lieux ayant existé n'est que pure volonté.

 

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