Chez Petit Chapeau....
F. Baralo : Septembre 2005



NOS RUES    DIAPORAMAS: Index     SOMMAIRE ecolerusicade    


    Les générations qui ont suivi la mienne n’ont pas connu ce genre de « QUICK ».
Nous avions inventé le principe de la restauration rapide. Oh ! bien sûr, il n’était qu’à l’état embryonnaire, mais aux quatre coins de Philippeville, nous pouvions déguster nos brochettes le samedi soir avant d’aller au cinéma. La place Marqué et le port attiraient tous les habitants de la ville. Depuis ma tendre enfance, je m’entends dire à ma mère "Man,je descends au port pour pêcher". Je n’avais jamais d’appâts, j’attendais l’arrivée des chalutiers pour quémander une poignée de chevrettes (jamais refusée), pardon « de crevettes ».

    Qui de chez nous n’allait pas au port? Rappelez-vous ces petits wagonnets qui venaient de je ne sais où, ils déchargeaient du minerai aux reflets d’or. Enfant, cela me fascinait... Et tout près, au bord du quai, une petite baraque en bois avec un auvent abritait deux ou trois tables de bistrot : c’était la buvette de PETIT CHAPEAU. François Joseph, mon père, me disait que le propriétaire était un petit cousin de notre famille. Doit-il ce surnom au couvre-chef qu’il portait? Dormait-il avec? Si l’un d’entre vous a une autre explication qu’il me la donne. Et donc PETIT CHAPEAU pratiquait déjà le principe de la restauration rapide dans son « établissement ». Certes nous étions loin du « hamburger ,du cheeseburger.. ».
Un dimanche matin, Chichotte(mon père) me réveilla très tôt pour « aller aux seiches » dans le port. C’était mars ou avril, la période où les chats commencent à miauler pour séduire les femelles …. C’était le printemps. Ce jour-là la pêche fut bonne. François avait rempli son panier en lamelles de roseaux tressées. Il y avait de quoi faire « une macaronade » pendant au moins trois semaines. Ne prenez pas le dictionnaire ce mot n’existe pas.
    J’oubliais de dire que ma mère préparait tous les dimanches « la macaronade » aux seiches, au bœuf … En fait ce sont des spaghettis arrosés d’un bon jus de tomate dans lequel ont cuit viande de bœuf, seiches ou calmars farcis. Un seul spaghetti m’aurait suffi pour satisfaire mon « gros appétit » mais François Joseph veillait sur mon assiette et sur le nombre de pâtes que j’aspirais bruyamment en grimaçant.
Faut-il tant d’effort pour « cueillir » ces pauvres mâles aguichés par une femelle surprotégée? Pour assurer la prochaine cueillette, mon père camouflait « la coquette » sous un rocher en espérant qu’un congre ne vienne pas la dévorer.
Enfin, après cette entreprise épuisante, il fallait prendre des forces et François passait chez « Petit Chapeau » pour casser une croûte.
- "Bonjour cousin" lançait mon père ; une poignée de mains suivait, "dis t’as des « souris »? Fais moi –z-en frire une douzaine ."
Je pense qu’il n’est pas nécessaire d’expliquer le mot « souris ».J’ai fait une recherche sur ce poisson que j’ai souvent pêché au large de la plage de Jeanne D’Arc. Je ressens encore aux bouts des doigts l’impression de ses petites morsures… Quel est son nom scientifique? Je n’ai rien trouvé. Si quelqu’un le connaît…. Merci d’avance.
François Joseph s’installait à une table et commandait son breuvage préféré : du vin rouge(avec le poisson ! bon c’était son goût) et moi, j’étais là, plongé dans une attente angoissante : manger du poisson au petit matin quelle épreuve ! On entendait un bruit aigu de friture . Qu’allait-il en sortir de ce crépitement planant dans les vapeurs d’huile ?
IL arrivait triomphant avec son œuvre d’art dans des mains toutes grasses, Petit Chapeau. Il portait deux assiettes : une pour mon père et l’autre était pour moi. J’avais hérité d’une demi-douzaine de souris. Avant la cuisson, c’étaient bien des « souris » mais là sous mes yeux, j’avais six hérissons à piquants courts . Je n’avais jamais vu de pareils poissons : Petit Chapeau les avait fait frire sans les écailler. Notre hôte pratiquait l’art culinaire sans s’en rendre compte.
- Qui mangea la douzaine de « poissons » ? Devinez. Sur mon siège, je regardais François qui honorait sa commande. Pendant sa dégustation, il me répétait « tu ne sais pas ce qui est bon ».
IL AVAIT RAISON. Et là, maintenant, dans un langage que j’avais oublié , je dirais avec votre permission : « Je me ferais une ventrée de souris frites façon PETIT CHAPEAU » .Et vous ?

Pour envoyer vos commentaires à Francis :
Cliquez